vendredi 24 juillet 2015

Point de situation économique sur ce premier semestre et perspectives à six mois


I- PER


L’analyse de ces six derniers mois peut prendre appui sur le ratio PER (Price Earning Ratio). Le PER, rappelons-le, mesure la valeur de l’action sur la valeur de l’entreprise dont elle est une part du capital. Il donne la valeur de l’entreprise en bourse au regard de performances attendues et la rapporte à sa valeur réelle à savoir le bénéfice réalisé et déclaré l’année précédente.

Robert Shiller, professeur à Yale a pris en compte la moyenne du résultat de la société concernée des dix années précédentes dégrevée du taux d’inflation. Cette approche donne à mon avis (cf mon précédent article http://visionsetperspectives2020.blogspot.fr/2015/02/levoile-se-leve.html?spref=tw) une mesure plus juste de la valeur réelle de l’entreprise sur un temps long et modère ainsi sa valeur boursière du moment:

plus le ratio est faible, plus la valeur de l‘entreprise correspond à la valeur de  l’action, a contrario plus le ratio est important et plus la distorsion entre la valeur de l’action et le bénéfice est grande.

En février 2015, le PER était de 26,77 sur l’index S&P 500, il est de 27,32 en juillet 2015 contre 15,17 en janvier 2009. Hormis le fort décalage avec la méthode classique de calcul en n-1 (PER d’approx.19 pour le S&P et 17 pour le CAC 40), il est surtout révélateur d’une spéculation « in progress » sur les actions, spéculation basée sur des performances anticipées à la hausse.

Comme nous l’avions démontré, cette spéculation repose d’une part sur l’atrophie du marché obligataire offrant des taux proches du nul et d’autre part sur les refinancements « facilités » de la FED, le tout dans une perspective de court-terme des agents financiers (cf  http://visionsetperspectives2020.blogspot.com/2015/05/lhubrisdu-monde-occidental-lesmarches.html?spref=tw). A cette hauteur de PER, nous sommes dans une phase de bulle. Pour rappel, nous étions à 27,21 en janvier 2007, 24,08 en janvier 2008 et 27,06 en…janvier 1929.     

La survalorisation repose sur une liquidité accrue du système bancaire, liquidité elle-même entretenue par l’architecture de marchés organisés autour de dérivés. Nous n’échangeons plus de l’or, du blé ou du cuivre mais des certificats, des contrats « futurs » ou des « assurances » définis par ces produits sans que ceux-ci ne soient livrés, déposés ou détenus…


II- BDI et autres indices


Le Baltic Dry Index (BDI) mesure le trafic en vrac de matières sèches.  Après avoir atteint un plancher autour des 550 points en début d’année,  l’indice a  repris des couleurs en atteignant les 1009 points en juillet 2015 (trafic long Capesize et Panamax - navires entre 60.000 et 80.000mt- le fret entre 15.000 et 35.000mt étant atone).

Pour mémoire le BDI était à 4.600 points en 2010 et à 11.000 points en 2008. Si nous rapportons son évolution à celle des prix des matières premières via l’indice CRB Reuters-Jefferies (19 cotations sur les NYMEX, LME et CME), nous constatons que les prix ont baissé sur la deuxième moitié de l’année 2014 et stimulé le BDI au-delà des 1.400 points. La baisse du CRB s’est cependant poursuivie en 2015 freinant le BDI en l’amenant vers son plancher de février.

Si le CRB baisse sans entraîner de hausse du BDI, cela veut dire une seule chose: baisse de l’activité mondiale… mais revenons-en à nos courbes. Le BDI à la mi-2011 est à plus de 2275 points pour des prix à 525 points mais, à l’instar de la mi-2010, les courbes BDI et CRB se confondent de la fin 2014 au premier trimestre 2015.

Une baisse du CRB signifie une baisse de la demande et un état de surproduction ne fait qu’amplifier cette baisse. Si le fret repart à la hausse, il faut que cette hausse soit suffisamment forte et durable pour que le CRB reparte lui-aussi à la hausse. Or ce n’est pas le cas.

Tant que les producteurs ne verront pas de demande forte, ils n’augmenteront pas leurs prix et les taux de fret des USA vers la Chine sont des révélateurs: ils étaient de 55 USD/métrique tonne en avril 2009, ils sont à 30 USD en mars 2015. De même le fret conteneurs, à travers l’indice Harpex, a certes repris de la vigueur en passant de 435 points en janvier 2015 à 620 points en juillet mais son niveau reste inférieur à 2014 notamment en route longue (Asie-Amérique du Sud).


III- Pétrole


Le cours du Brent était de 57,37 USD en février 2015, il est de 56,67 USD en juillet de cette même année. Le cours du WTI reste également stable à 50,93USD en février et 50,39 USD en juillet.

Pour rappel, le brut en partant de son plafond des 100USD a commencé à baisser à la mi 2014, le BDI ayant initié sa baisse six mois plutôt. Le BDI va par la suite rebondir à plusieurs reprises par l’effet d’aubaine sur les carburants mais la synchronie des deux courbes se met en place à la fin janvier 2015 jusqu’au plancher de  48,60USD pour rebondir et se scinder. Ce rebond marquerait-il une relance de l’activité mondiale?: une hausse du cours du brut,  révélateur d’une hausse de la demande et du fret ?

Sans se contredire avec la stagnation du CRB (voir plus-haut), il est possible que la baisse du dollar, la hausse du rouble (64,85 roubles pour un dollar début 2015, 57,03 roubles en juillet 2015) et la baisse de l’Euro ont redonné un peu de vigueur aux agents mais l’influence des devises ne peut être que conjoncturelle et ne reflète jamais un temps long.


IV- Balances des échanges et PIB


La zone Euro est en croissance de près de 17,5% de sa balance des échanges de biens et services entre 2013 et 2014 malgré une baisse de 35,71% entre le dernier trimestre 2014 et le premier trimestre 2015. Cette balance est évidemment soutenue par l’Allemagne : la hausse entre 2013 et 2014 est de 11,4% avec le même recul de 15% entre le dernier trimestre 2014 et le début 2015.

Les USA restent quant à eux de gros importateurs tirant tant les balances de l’UE que de l’Asie du Sud-Est, leur déficit ayant même augmenté en 2014 de 2,50%. La chine garde sa position d’exportatrice nette avec une progression de près de 15% entre 2013 et 2014. Ces balances correspondent à des PIBs en hausse (américains et chinois) dont même la zone euro enregistre un +0,79% entre le dernier trimestre 2014 et le premier trimestre 2015.

Après un tel constat, une seule question nous interpelle: Comment concilier l’ampleur de telles balances commerciales et des PIBs en croissance continue avec une baisse des indicateurs d’activités maritimes et de prix des produits de base?

Une augmentation des PIBs et des balances entraine un accroissement des échanges et inversement si le volume des échanges croît, les PIBs et balances se développent d’autant. Même un pays en déficit massif comme les USA contribue par ses importations à tirer plusieurs zones, les importations étant aussi un facteur de vitalité pour le pays concerné, sa capacité de paiement n’étant pas le moindre. 

Si nous resserrons l’analyse sur les échanges de biens, l’Allemagne est en excédent de 11,05% pour une zone Euro en hausse de 11,76% confirmant bien le rôle de leader de l’Allemagne dans l’espace Euro. Les importations US de biens enregistrent de même une croissance de près de 5% entre 2013 et 2014 dont un déficit accru avec la Chine de 6% entre 2014 et 2015 (prévision).


V- Paradoxe et dépassement


Le CPB ou Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis mesure l’activité mondiale et fait autorité en la matière. Agence gouvernementale indépendante des institutions internationales (FMI, OCDE, OMC, Banque Mondiale, Commission Européenne), elle synthétise les données en volume et en valeur collectées à partir de multiples sources (dont des sociétés commerciales et des agences privées et publiques) pour nous donner une image des plus fiables dépassant par son étendue ce que peuvent nous indiquer à eux-seuls les indices.

Le volume du commerce mondial de marchandises (pourcentage de croissance sur une base 100) a connu son plancher en 2009 à -12,6% (cf sub-primes) pour rebondir à + 15,1% en 2010 et se tasser après 2011. La croissance passe de +5,8% à 2,1% marquant un décrochement.de -63,79%.

Ce décrochement donne une forme en v dont la partie droite s’effile pour finalement s’aplanir autour d’un taux négatif de -1,3% au premier trimestre 2015. Nous retrouvons cette forme dans les exportations de biens. Ce point de rupture de 2012 correspond à la baisse du BDI vers son plancher qui était de 715 en février 2012.

Si nous prenons en valeur ce même commerce (en % sur une évolution des prix en USD), nous sommes dans une phase négative.  Après la chute de 2009 de -11,6%, le rebond de 5,8%  en 2010 et l’accélération de 13,1% courant 2011, le décrochement réapparaît en 2012 à -1,9%.

Un premier constat s’impose ici: alors que le volume croît, le chiffre d’affaires baisse non seulement en 2012 mais aussi en 2013 et 2014 avec respectivement -0,9% et -2,1%. Le premier trimestre 2015 accentue cette tendance avec -7,1%.

Ce schéma réapparait dans les exportations en valeur et dans la production mondiale industrielle: -6,6% en 2009, 10% en 2010, 5,4% en 2011 puis 2,8% en 2012, 2,4% en 2013, 3,4% en 2014 et un début d’année 2015 avec +0,3% ; ceci nous interpelle sur deux points:

Premièrement, le BDI se révèle être un indicateur fiable qui anticipe une évolution et doit être observé avec attention. Il annonce une baisse d’activité soit synchrone avec les chiffres du commerce mondial (cf 2012) soit en amont dans un décalage apparent.

Deuxièmement, les valeurs des balances commerciales et PIBs sont insuffisantes pour nous aider à comprendre un système fondamentalement basé sur une activité industrielle. Il est en effet envisageable de concevoir un PIB en croissance avec une activité déclinante: cela veut dire que les recettes et bénéfices se démultiplient, les marges sur un produit s’élargissent sans que la production vendue ne participe de cet élan. A une économie de masse se substitue une économie de marges dans laquelle une classe d’acheteurs « premium » sera plus encline à acquérir des produits plus chers et à délaisser ce qui correspondait au niveau de vie de la classe dite moyenne, moteur essentiel jusqu’alors des économies développées.

Le commerce mondial peut-il se passer de « middle class » puissantes et reposer uniquement sur des « upper class », elles-mêmes enfants de la financiarisation de l’économie et du complexe militaro-industriel?

La réponse est dans la question et souligne cette désindustrialisation rampante du monde, une industrie qui va se réduire à trois zones - les USA, la Chine et l’Allemagne (et ses sous-traitants sud et est-européens)- pour une production à haute valeur ajoutée (la Chine incluse).

Que dire en conclusion des chiffres négatifs du CPB en valeur ou en volume pour ce début d’année alors que le BDI remonte?

Quand la crise des sub-primes a éclaté, le BDI s’est effondré avant de reprendre vigueur jusqu’en 2010. Les courbes S&P et BDI sur ces périodes se suivent avant de diverger à la fin 2010. Les Quantitative Easings produisent alors leurs effets et le S&P perd de sa pertinence, les actions ne correspondant plus à la marche de l’économie.

Une première baisse de l’activité entre fin 2010 et fin 2012 se reflète dans les chiffres du CPB dont les décrochements de 2011 en volume (de +15,1% à +5,8%) et de 2012 en valeur (de 12,8% à -2,3%). Après le rebond du BDI début 2014, la baisse quoique discontinue se poursuit.


L’activité mondiale est bien en panne et le risque d’éclatement des bulles actions et obligations sur les 6 prochaines mois est tangible. Dans une perspective d’investisseurs, mes recommandations iront vers les entreprises non-cotées dans les niches du luxe (BtoC; immobilier), dans le « low-cost » et le high-tech GRIN (voir article http://visionsetperspectives2020.blogspot.com/2015/05/lhubrisdu-monde-occidental-lesmarches.html?spref=tw).  

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